Athlétisme: La CEDH juge que Caster Semenya peut faire appel de la limite de testostérone
Photo de la coureuse olympique, Caster Semenya. /Photo prise le 20 juillet 2022 à Eugene, Etats-Unis/REUTERS/Aleksandra Szmigiel
(Reuters) – La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a donné raison à la coureuse olympique Caster Semenya mardi, qui lutte depuis des années contre l’obligation faite aux athlètes féminines ayant un taux de testostérone naturellement élevé de prendre des médicaments pour l’abaisser.
La CEDH a statué, à une faible majorité de quatre voix contre trois, que l’appel initial de la coureuse contre les règlements de la Fédération internationale d’athlétisme (“World Athletics”) n’avait pas été correctement entendu.
La double championne olympique sud-africaine du 800 mètres de 32 ans avait en effet saisi la Cour en février 2021 après avoir perdu ses appels devant le TAS, la plus haute juridiction sportive, et le Tribunal fédéral suisse (TFS), dans le cadre d’une bataille juridique de longue haleine.
“La Cour juge en particulier que la requérante n’a pas bénéficié en Suisse des garanties institutionnelles et procédurales suffisantes qui lui auraient permis de faire valoir ses griefs de manière effective, d’autant qu’il s’agissait de griefs bien étayés et crédibles d’une discrimination subie à raison d’un taux de testostérone élevé provoqué par des différences du développement sexuel (‘DSD’)”, a déclaré la CEDH dans un communiqué.
“L’enjeu significatif de l’affaire pour la requérante et la marge d’appréciation réduite de l’État défendeur auraient dû se traduire par un contrôle institutionnel et procédural approfondi, dont la requérante n’a pas bénéficié en l’espèce.”
Caster Semenya est désormais libre de contester une fois de plus les règles qui ont mis sa carrière en suspens, mais il y a encore du chemin à parcourir.
L’arrêt de la CEDH n’est en effet définitif que trois mois après avoir été rendu. Durant ce laps de temps, toute partie peut demander que l’affaire soit renvoyée devant la Grande Chambre de la Cour. Si une telle demande est faite, un collège de cinq juges examinera l’affaire. Dans le cas où elle mériterait un examen plus approfondi, la Grande Chambre entendra l’affaire et rendra un arrêt définitif.
World Athletics a déclaré s’en tenir à ses règles de limitation du niveau de testostérone, qui resteront en place pour l’instant. L’institution a ajouté encourager le gouvernement suisse à demander une révision de l’arrêt.
“Nous restons d’avis que les règlements sur les DSD sont un moyen nécessaire, raisonnable et proportionné de protéger la concurrence loyale dans la catégorie féminine, comme le Tribunal arbitral du sport et le Tribunal fédéral suisse l’ont tous deux constaté, après une évaluation détaillée et experte des preuves”, a déclaré World Athletics dans un communiqué.
Caster Semenya est atteinte d’hyperandrogénie, une condition médicale qui se caractérise par des niveaux plus élevés que la normale de testostérone, une hormone qui augmente la masse musculaire, la force et l’hémoglobine, ce qui affecte l’endurance.
Selon les règles, pour pouvoir participer aux épreuves féminines, les athlètes présentant des différences du développement sexuel entraînant un taux élevé de testostérone doivent le ramener à celui d’une “femme en bonne santé ayant des ovaires”. Elles peuvent prendre la pilule contraceptive, recevoir une injection mensuelle ou subir une opération chirurgicale.
Le Tribunal arbitral du sport a statué en 2019 que les règles de World Athletics étaient nécessaires à une compétition féminine équitable.
À l’époque, Caster Semenya avait déclaré que ces règles étaient discriminatoires et que les pilules contraceptives la rendaient “constamment malade”.
Le règlement, qui s’appliquait initialement aux courses de 400 mètres à 1.600 mètres, a été élargi en mars pour inclure toutes les épreuves féminines sur piste, empêchant ainsi la double championne olympique de relancer sa carrière en courant sur des distances plus longues.
(Reportage Hritika Sharma à Hyderabad et Nick Said au Cap, version française Gaëlle Sheehan, édité par Kate Entringer)